Lettre ouverte à l’actuelle et à la future Direction de l’Université de Lausanne ainsi qu’à ses autorités de tutelle
Nous, chercheurs·euses, étudiant·e·s, travailleurs·euses de l’Université de Lausanne, appelons à la défense de la liberté d’expression et à une université engagée politiquement et socialement.
La parole des universitaires est actuellement attaquée de toute part. Le 18 mars dernier, la publicité donnée aux réflexions d’un groupe de travail par la RTS a suscité des réponses ambiguës de la part de la Rectrice, laissant entendre que des recommandations pourraient à l’avenir être adressées aux chercheurs·euses de l’UNIL quant à leurs prises la parole dans l’espace public. Les précisions apportées par la suite en réponse aux protestations qui ont immédiatement surgi n’ont qu’en partie dissipé le malaise suscité par ces déclarations. En effet, cette intervention n’était pas sans précédents. En 2020 par exemple, la Direction de l’Université de Lausanne a tenté de museler la parole des étudiant·e·s par une directive adoptée à l’insu de tou·te·s (directive 0.17 « Règles, usages et mesures disciplinaires concernant les étudiants et les auditeurs de l’UNIL »), entretemps suspendue grâce à une série d’interventions au Conseil de l’Université.
Par ailleurs, ces différentes attaques prennent place dans un contexte national et international inquiétant. En mars, la NZZ a révélé que l’Université de Berne modulait sa communication scientifique selon des critères issus des outils du management d’entreprise, valorisant les publications qui correspondent aux valeurs de l’institution. Il faut ajouter à cela les différentes tentatives d’empêcher la task-force Covid-19 du Conseil fédéral de s’exprimer librement, encore relancées en mai 2021 par plusieurs parlementaires, qui témoignent d’une méfiance très profonde à l’égard des travaux scientifiques et d’une certaine incompréhension de l’articulation entre ces derniers et les décisions politiques. Enfin, l’affaire des accusations « d’islamo-gauchisme » en France l’automne passé a été extrêmement préoccupante. Nos collègues français·e·s ont en effet appris de leurs ministres de tutelle quelles recherches correspondaient à la politique du gouvernement et lesquelles il valait mieux éviter – une pratique que l’on pensait être l’apanage des États autoritaires.
En Suisse, les pressions viennent à la fois du secteur public et du secteur privé. Telle prise de position en faveur de la Grève pour l’avenir s’attire les récriminations d’élu·e·s peu sensibles aux questions environnementales, telle recherche sur la nocivité de la cigarette électronique suscite une demande de remise à l’ordre de la part d’une multinationale du tabac, telle intervention en faveur d’une hausse de la fiscalité provoque la tribune d’un conseiller politique dans le principal quotidien cantonal… Les recherches indépendantes et les prises de position politiques des membres de la communauté universitaire ont toujours dérangé l’ordre du pouvoir, mais celui-ci semble devenu plus susceptible depuis peu. Tous ces événements s’inscrivent en effet dans un processus plus général de contrôle politique de la parole publique des universitaires qui nous alerte et justifie que nous prenions aujourd’hui la parole pour le dénoncer.
La restriction de la liberté d’expression touche tous les corps universitaires !
Au sein du corps estudiantin, la liberté d’expression a également été bafouée à de nombreuses reprises cette dernière année. Nous pensons au collectif étudiant·e en souffrance dont les affiches ont été retirées, au mois de mars, en moins de deux heures sur le campus de l’UNIL, y compris celles qui se trouvaient sur les espaces d’affichage libre. Nous pensons également aux différents syndicats, partis et associations qui ont vu leurs affiches retirées ou leurs distributions de tracts interdites sur le site universitaire. Quant à la directive 0.17 adoptée par la Direction le 12 mai 2020, elle constitue un autre exemple de l’encadrement de la parole étudiante. En effet, cette directive énonce huit règles de comportement dont la troisième affirme que tout·e étudiant·e qui « perturbe, d’une façon contraire aux valeurs de l’UNIL, les enseignements et les manifestations organisées à l’UNIL […] est passible des sanctions suivantes : l’avertissement ; la suspension ; l’exclusion ». Cette directive « a été mise en suspens à titre provisoire […], afin de revoir certaines de ses formulations ».
Ces quelques exemples récents laissent penser que la Direction de l’UNIL souhaite limiter toute parole qui n’entrerait pas dans une stratégie de communication institutionnelle décidée par elle-même, outrepassant ainsi ses attributions. Une telle approche constitue une restriction inquiétante de la liberté académique et de la liberté d’expression des membres de la communauté universitaire que nous condamnons avec une grande fermeté.
Respecter quelques principes simples
Comme n’importe qui, les membres de la communauté universitaire sont libres d’exprimer leurs opinions dans l’espace public en vertu du droit à la liberté d’expression conféré par la Constitution, qu’elles soient liées ou non à leurs domaines de recherche ou de spécialisation. Ces opinions doivent être discutées, débattues, réfutées, attaquées ou soutenues dans l’espace public après qu’elles aient été énoncées, et non pas censurées de manière préventive. Elles ne sont pas diffusées « au nom de l’université », ni « au nom d’une discipline », ou si c’est le cas, la chose est toujours explicitement précisée, comme lorsqu’un·e porte-parole s’exprime au nom d’une organisation.
L’engagement politique des universitaires a une grande et belle tradition, et l’Université de Lausanne qui, il n’y a pas si longtemps, a élu comme Recteur un ancien député au Grand Conseil, ne doit pas la renier. Cet engagement ne signifie en aucun cas ni l’endoctrinement dans les enseignements, ni la corruption de la jeunesse, ni l’abandon de toute rigueur scientifique. Il s’agit au contraire d’un jugement personnel et à chaque fois répété sur l’opportunité d’intervenir sur un sujet ou un autre en tant qu’universitaire ou spécialiste d’un domaine particulier. Cette évaluation n’a pas à être faite par la Direction de l’UNIL, par le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, ou par quelqu’autre instance.
À l’intérieur de l’université, si la Direction doit respecter la liberté d’expression de l’ensemble des membres de la communauté, elle a aussi le devoir de les protéger par rapport à leur santé, leur intégrité et leur dignité. Elle leur doit donc une écoute respectueuse et une mise en action appropriée, notamment lors de conflits de travail ou lorsqu’elle doit instruire des cas de harcèlement.
Le droit à la liberté d’expression présuppose de bonnes conditions d’étude et de travail
Un droit formel à la liberté d’expression ne suffit pas. Il est en effet impossible de s’exprimer librement lorsque l’on craint que son contrat ne soit pas renouvelé, lorsque cette prise de parole implique des pressions de la part de la hiérarchie, ou encore lorsque l’on est dans l’attente d’une décision pour une aide d’urgence suite à la suppression de son job étudiant. De la même manière, pour pouvoir fonder ses positions sur des recherches pertinentes, il faut avoir le temps de réaliser ces dernières et ne pas être soumis·e·s à la pression constante de trouver des financements et de publier des résultats.
Par ailleurs, la liberté d’expression n’est pas un exercice solitaire. Elle s’accompagne nécessairement de la liberté de se réunir dans des organisations, des associations, des syndicats et des collectifs, au sein desquels elle s’exerce et à partir desquels elle se déploie plus largement. Les autorités de l’UNIL doivent les reconnaître et dialoguer avec elles et eux.
Revendications
Au vu de ce qui précède, nous demandons à la Direction de l’UNIL (présente et future) de s’engager fermement pour la garantie de la liberté d’expression de tous les membres de la communauté universitaire. Au-delà des paroles, cela requiert des actes concrets, dont les plus importants sont :
● Le retrait définitif de la Directive 0.17 (« Règles, usages et mesures disciplinaires concernant les étudiants et auditeurs de l’UNIL »).
● La défense des chercheurs·euses lorsqu’ils et elles sont attaqué·e·s dans les médias ou sur les réseaux sociaux, en particulier lorsque les responsables de ces attaques sont des élu·e·s ou des entreprises.
● L’aménagement des cursus d’étude afin de laisser aux étudiant·e·s le temps de s’y consacrer et le développement d’un système de financement public des études supérieures afin que celles-ci ne soient pas réservées à une minorité privilégiée.
● La lutte contre la précarité des personnels d’enseignement et de recherches par la création massive de postes fixes et la pérennisation du financement de la recherche.
● L’amélioration des conditions de travail du personnel administratif et technique, sa participation effective aux processus de décision et la prise en compte de l’accumulation de petites tâches qui se sont ajoutées aux cahiers de charges ces dernières années et que la crise du Covid n’a fait qu’aggraver.
● La reconnaissance des organisations, associations, syndicats et collectifs actifs au sein de la communauté universitaire et l’entame, ou la poursuite, de discussions avec elles et eux.
● La défense d’une Université œuvrant pour le bien commun, autonome et engagée socialement.
Signatures collectives
Collectif UNIL de la grève féministe
FAE – Fédération des associations d’étudiant-e-s de l’UNIL
Groupe Regards Critiques
Syndicat des services publics (SSP), groupe hautes écoles, Vaud
Syndicat SUD Étudiant-es et Précaires
Syndicat SUD, Secrétariat fédéral
Ligue suisse des droits de l’Homme
Signatures individuelles
Si vous souhaitez signer au nom d’une organisation, d’une association, d’un syndicat ou d’un collectif actif au sein de la communauté universitaire, vous pouvez contacter: juliette.cuvelier@unil.ch.
923 | Httzhg Vhzgt | Vhh | |
922 | Elise Tanari | ||
921 | pr@standata.xyz pr@standata.xyz | pr@standata.xyz | |
920 | Pascal Kipf | Etudiant | |
919 | Alexei Evstratov | Maître-assistant/UNIL | |
918 | Nicolas Rossi | Enseignant | |
917 | Vlora Ramadani | Etudiante | |
916 | Céline Restrepo Zea | Ingénieure pédagogique Lettres | |
915 | Sami Temple | etudiant | |
914 | Simon Lafon | Étudiant | |
913 | Joaquin Mariné Piñero | étudiant | |
912 | Manuèle Ducret | bibliothécaire et historienne | |
911 | Loriane Pousaz | étudiante unil | |
910 | Christophe Pérez | REPE | |
909 | Nicolas Gonnet | Monsieur | |
908 | Mathilde Goullieux | Doctorante | |
907 | Noémie Rochat Nogales | Doctorante | |
906 | Christine Gonnet | Enseignante specialisee | |
905 | Stéphanie Macrina | Etudiante | |
904 | Astrid Oppliger | Doctorante | |
903 | Catherine Maliev | Prof APS, ISSUL | |
902 | Simone Albonico | prof. UNIL Lettres | |
901 | Shanaz Diessler | Unil | |
900 | Yann Schlaefli | Étudiant en Lettres | |
899 | Emmanuel Jung | Etudiant | |
898 | Léna Vermeulen | étudiante | |
897 | Nathalie Martin | Université de Lausanne | |
896 | Sylvia Goetze Wake | Enseignante | |
895 | Julie Crevoisier | Etudiante en Médecine | |
894 | Paul-Martin Boillat | Etudiant | |
893 | Maxime Naudy | Etudiant | |
892 | Manon André | Etudiante | |
891 | Nadia Pelloni | étudiante master | |
890 | Adrien Lacour | Etudiant | |
889 | Mathilde Boyer | assistante diplômée | |
888 | Dagna Rams | Assistante diplômée | |
887 | Maxime Aubert | Étudiant | |
886 | Anne-Christine Pandazis | MER | |
885 | jules weiler | étudiant fbm | |
884 | Aline Leavy | Doctorante | |
883 | Matthieu Cuénoud | Etudiant | |
882 | Morgane Massy | Etudiante | |
881 | Hakim Khiari | Etudiant | |
880 | Frédéric Guignard | Assistant diplômé | |
879 | Jessica Chevalley | étudiante | |
878 | Laureline Pop | Assistante diplômée Unil | |
877 | Laura Morend | Conseillère pédagogique FBM | |
876 | Sonja Salerno | Doctorante | |
875 | Sandro Guzzi-Heeb | MER, Histoire | |
874 | Marc Colin | Doctorant | |
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